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Photo du rédacteurBonfils Frédéric

Un théâtre qui déchire le silence : « Surveillée et punie », un cri cathartique contre la haine en ligne



Dans le huis clos vibrant des Plateaux Sauvages à Paris, Safia Nolin et Philippe Cyr livrent une œuvre théâtrale et musicale profondément dérangeante, mais ô combien nécessaire. Surveillée et punie est un spectacle mais surtout une plongée vertigineuse dans l’abîme de la haine, une mise à nu collective qui force à regarder l’inacceptable en face.


Sublimer le dégoût


S’appuyant sur des milliers d’insultes réelles reçues par Nolin — qu’elles soient misogynes, homophobes ou racistes — le spectacle pose une question cruciale : que signifie vraiment la liberté d’expression lorsque celle-ci devient une arme de destruction ? Avec l’aide du metteur en scène Philippe Cyr, Nolin transforme ce matériau brut et violent en un objet artistique sidérant, où la musique se fait bouclier et exutoire.


Sur scène, un chœur imposant chante à l’unisson les invectives les plus abjectes adressées à l’artiste. La puissance de cette configuration est insoutenable : une femme seule, assise face à un mur sonore d’insanités. Pourtant, c’est dans cette confrontation qu’émerge la force du spectacle. Les insultes, terriblement réelles, deviennent une matière à transcender, un écho des blessures infligées mais aussi une invitation à les soigner.


Un espace réapproprié


La scène devient ici un lieu de réparation. Armée de sa guitare, Safia Nolin, accompagnée de son alter ego incarné par Debbie Lynch-White, finit par renverser les rapports de force. Le flot de haine se désagrège peu à peu sous l’impulsion de la musique. La chanteuse s’approprie les mots, les détourne, et finit par les posséder dans une scène finale libératrice, presque carnavalesque.


Ce renversement cathartique rappelle que l’art a le pouvoir unique de transformer la souffrance en résistance. La mise en scène de Cyr, minimaliste et percutante, offre une épure qui laisse toute la place à la musique et à l’émotion brute.


Un miroir pour la société


Mais Surveillée et punie ne se contente pas d’être un geste artistique : il est aussi un acte politique. En exposant la violence omniprésente sur les réseaux sociaux, le spectacle nous tend un miroir brutal. Il interroge notre responsabilité collective dans la propagation de cette haine : sommes-nous complices par notre silence ou nos réactions insuffisantes ?


Le parallèle avec le célèbre essai de Michel Foucault, dont le titre est librement inspiré, est frappant. Si Foucault analysait le contrôle des corps par les institutions, ici, c’est l’espace numérique qui devient un lieu de surveillance et de punition. Safia Nolin, avec son identité queer, son corps hors des normes, et son franc-parler, incarne la cible parfaite d’une société où les différences sont punies sans appel.


Un cri universel


Malgré l’origine profondément personnelle de ce projet, Surveillée et punie dépasse le cadre de l’expérience individuelle. La violence décrite n’est pas seulement celle subie par Nolin : elle est celle que des millions de femmes, de minorités et de personnalités publiques affrontent quotidiennement. Ce spectacle nous rappelle l’urgence de repenser notre rapport à la parole publique, de réaffirmer l’importance de la bienveillance, et de refuser la banalisation du harcèlement.


 

Une œuvre essentielle


Audacieux, choquant, mais éminemment beau, Surveillée et punie est une œuvre qui dérange autant qu’elle élève. Safia Nolin y déploie une vulnérabilité désarmante, tandis que Philippe Cyr orchestre avec brio une réflexion sur la responsabilité et le pouvoir des mots. Ce spectacle est une claque salutaire, un appel à l’empathie et à l’action.


À voir absolument : pour comprendre, ressentir, et surtout, ne plus jamais détourner le regard. Avis Foudart 🅵🅵🅵🅵


 

SURVEILLÉE ET PUNIE

Livret Safia Nolin et Jean-Philippe Baril Guérard

Création musicale Safia Nolin et Vincent Legault

Mise en scène Philippe Cyr

Conseil dramaturgique Anne-Marie Voisard

Scénographie et costumes Odile Gamache

Création lumière Cédric Delorme-Bouchard

Avec Safia Nolin, Debbie Lynch-White et un chœur composé de professionnel·le·s et des amateurices du projet de transmission artistique Battre le chœur mené par Gérald Kurdian et Philippe Cyr

Crédit photo © Kelly Jacob, Maxim Paré Fortin


 

Les Plateaux Sauvages

Du 16 au 18 janvier 2025 • Jeudi et vendredi à 20h. Samedi à 17h30 • Dès 16 ans • Durée 1h20





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