Un chef-d’œuvre enfin restitué dans toute sa splendeur
Rarement Peer Gynt a été monté avec une telle ampleur. Olivier Py réussit un tour de force : réunir enfin le texte brûlant d’Henrik Ibsen et la musique envoûtante d’Edvard Grieg dans un spectacle total qui oscille entre opéra, théâtre et ballet. Un pari fou ? Oui. Une réussite ? Absolument. chaque discipline nourrit l’autre. Et le résultat touche au génie.
Le Théâtre du Châtelet s’est donné les moyens de cette ambition : un orchestre de chambre dirigé par l’élégante et rigoureuse Anu Tali, une troupe de comédiens et chanteurs parfaitement harmonieuse, et une mise en scène qui navigue entre le réalisme poétique et l’onirisme le plus débridé. Loin d’une simple relecture, cette “tradaptation” d’Olivier Py – à mi-chemin entre traduction et adaptation – cherche à restituer Peer Gynt dans son entièreté, à la fois comme une fresque épique et une plongée intime dans la psyché humaine.
Un Peer Gynt démesuré, porté par un acteur incandescent
Bertrand de Roffignac est Peer Gynt. Il ne l’interprète pas, il l’incarne, il l’habite, il le consume. Tour à tour menteur flamboyant, poète halluciné, écorché vif, il explose sur scène, captant toute la lumière. Il est lâche, il est génial, il est abject, il est fascinant. Peu d’acteurs français auraient pu porter ce rôle avec une telle intensité.
Il faut le voir bondir d’une illusion à l’autre, trahir, fuir, séduire, pleurer. Il faut le voir affronter ses démons dans la scène hallucinée de la clinique psychiatrique. Il faut le voir, enfin, vieilli et brisé, se demander si toute son existence n’a pas été une immense fuite en avant. C’est une performance magistrale.
Une mise en scène entre rêve et cauchemar
Olivier Py, en esthète du grandiose, fait de Peer Gynt une fresque théâtrale d’une puissance rare, d’une beauté brute, entre le conte initiatique et la folie hallucinée. Chaque tableau est une explosion visuelle, un choc d’images et d’idées. Les palais orientaux, les antres des trolls : tout semble sorti d’un rêve fiévreux.
Certains tableaux sont de pures merveilles :
• La scène des trolls, déjantée et inquiétante
• La chevauchée de Peer, entre grotesque et sublime
• Le final, où l’homme, face à lui-même, comprend enfin l’illusion de sa vie
Tout n’est pas parfait. Le dernier acte s’étire un peu en longueur. Mais chaque scène déborde d’inventivité, chaque image frappe la rétine.
Olivier Py pousse le texte d’Ibsen à son paroxysme et nous laisse face à cette question vertigineuse : peut-on vraiment vivre comme on le veut, sans conséquence ?
Une musique qui transcende la scène
La partition de Grieg, souvent réduite à quelques extraits célèbres, retrouve ici toute sa grandeur. Anu Tali dirige l’Orchestre de chambre de Paris avec une élégance et une précision remarquables. On redécouvre cette musique, tantôt majestueuse, tantôt mélancolique, qui amplifie les états d’âme de Peer, souligne ses errances, ses espoirs et ses désillusions.
Mention spéciale aux moments où musique et théâtre fusionnent totalement, notamment la scène du chœur des trolls et la sublime et bouleversante chanson de Solveig. Ici, le théâtre musical atteint une pureté rare.
Un spectacle total, une claque théâtrale
Il fallait la folie d’Olivier Py pour redonner à Peer Gynt sa grandeur originelle. Il fallait l’énergie incandescente de Bertrand de Roffignac pour faire vibrer ce personnage insaisissable. Il fallait la grâce d’Anu Tali pour rendre à Grieg toute sa splendeur.
Ce Peer Gynt est un tourbillon, un vertige, une claque. Un spectacle total, où théâtre, musique et art visuel s’entrelacent dans un vertige magnifique. Avis de Foud’art 🅵🅵🅵🅵
PEER GYNT
De HENRIK IBSEN
Musique EDVARD GRIEG
Texte français et mise en scène OLIVIER PY
Direction musicale ANU TALI
Avec Bertrand de Roffignac, Céline Chéenne, Raquel Camarinha, Clémentine Bourgoin, Lucie Peyramaure, Emilien Diard-Detoeuf, Damien Bigourdan, Pierre Lebon, Marc Labonnette, Sevag Tachdjian, Justine Lebas, Pierre-Antoine Brunet
ORCHESTRE DE CHAMBRE DE PARIS
Décors, costumes PIERRE-ANDRÉ WEITZ
Lumières BERTRAND KILLY
Chorégraphie et assistanat à la mise en scène IVO BAUCHIERO
© Photos Thomas Amouroux - Illustrations Olivier Py
THÉÂTRE DU CHÂTELET
Du 7 au 16 mars 2025 • Mar. au sam. à 19h, dim. à 15h • Durée totale environ 3 h 40
dont un entracte

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