« Depuis l’ère #metoo, le barrage à cédé. La parole a libéré les françaises… les vérités s’assènent enfin. Les points de vue s’assument du coté des victimes. Je suis une sur deux, peu importe laquelle » Ludivine Sagnier. Janvier 2020
Le consentement est tout d’abord un récit autobiographique de Vanessa Springora qui décrit comment, trente ans auparavant, lors d’un diner, elle a été séduite par un auteur célèbre G., presque quinquagénaire, alors qu'elle avait tout juste 13 ans « Je l'ai rencontré en 1986. On le connaissait. Il y a eu un dysfonctionnement de toutes les institutions : scolaire, policière, hospitalière... C'est ça qui est sidérant face à un militant de la cause pédophile qui a publié des textes en ce sens et qui s'en glorifie ».
De l'illusion du prince charmant à la réalité d’un pervers
Un livre très bien écrit, très bien pensé qui, de façon analytique, sincère et sans haine, dépeint le processus de manipulation psychique implacable et effrayant dans lequel V. a été placée, en tant que victime consentante et amoureuse, ainsi que la grande difficulté de s'en sortir.
Le consentement, c’est aussi « une matière première mobile, frêle, supposément protectrice, mais qui se voit souillée, rabattue, écrasée, négligée à la moindre occasion par les prédateurs qui l’a manient
avec tant d’habileté » dit Ludivine Sagnier.
Le consentement, c'est enfin le plus grand de tous les tabous car, peut-on encore vraiment parler d'agression lorsque il y a consentement, quelle que soit l'âge de la victime ?
« Quelle preuve tangible avais-je de mon existence, étais-je bien réelle ? Pour en être certaine, j’avais commencé par ne plus manger. À quoi bon m’alimenter ? Mon corps était fait de papier, dans mes veines ne coulait que de l’encre, mes organes n’existaient pas. Autour de moi, la ville, brumeuse, féerique, se muait en décor de cinéma. Tout était faux autour de moi et je ne faisais pas exception. » EXTRAIT
Une façon de faire bouger les lignes profondément
Lorsque Sébastien Davis a découvert ce livre pour la première fois, il a immédiatement su qu’il tenait entre ces mains quelque chose de différent. Pas une vengeance, pas une complainte « une façon de donner une riposte artistique à un traumatisme effroyable ».
« Quand la loi des hommes fait défaut, c’est par l’art qu’il faut agir. L’art est nécessaire à l’humanité car il nous permet de nous observer plus objectivement et de faire bouger les lignes... encore et toujours. Incessamment. Car si nous n’avons pas les yeux grands ouverts, nous ne saurons jamais distinguer le vrai du faux, discerner ce qui est bon pour nous de ce qui nous détruit »
Complice consentante ?
Alors, peut-il y avoir vraiment consentement et discernement à un jeune âge dans ce genre de relation malsaine et inégale ?
D'autant plus quand les présidents de la République sont les garants de moralité des abuseurs d'enfants. Quand les plus grands philosophes se font les avocats du Diable.
Quand les animateurs les plus connus reçoivent avec les honneurs le Loup escorté de son petit Chaperon rouge de service.
Enfin, quand nous sommes tous le résultat d'une époque (l'après 68) où la libération sexuelle était parfois confrontée aux désirs de certains adultes manipulateurs.
Quoi qu'on en dise. Quoi qu'on en pense. On ne peut pas condamner une victime au nom d'un consentement « Une personne mineure, n’est pas moralement responsable pour la simple raison qu’elle est encore en formation, en développement, et qu’elle n’est pas prête à affronter le monde par elle-même ».
Pour nous, en se rappelant et en écrivant, Vanessa se sert de l'art de l'écriture pour faire ce passage vers le réel. Pour nous, en ressentant, en vivant, en parlant et en dansant, Ludivine, de son côté, se sert de l'Art du théâtre.
Avec l'aide de la musique organique de Dan Lévy et de la batterie « en live » de Pierre Belleville qui vient souligner, ponctuer ou perturber le propos, Ludivine Sagnier, avec sa façon d'énoncer les faits très simplement et ses postures très ancrées, confronte notre morale à notre ressenti et répond par l'émotion à nos questions.
Se connecter à l'enfant qui est en nous
En quelques minutes à peine, dès le début du spectacle, une sorte de malaise presque insupportable nous envahit. Porté pour la première fois à la scène, ce texte brillant, ce passage de témoin au théâtre, ce condensé de vie est un souffle libérateur, puissant et indispensable. Une occasion rare de nous connecter à l'enfant qui sommeille au plus profond de nous. Avis de Foudart 🅵🅵🅵🅵
LE CONSENTEMENT
Texte de Vanessa Springora édité chez Grasset
Mise en scène Sébastien Davis
avec Ludivine Sagnier et Pierre Belleville (Musicien)
Création musicale Dan Lévy
Scénographie Alwyne de Dardel
Lumière Rémi Nicolas
Crédit Christophe Raynaud de Lage
THÉÂTRE DU ROND-POINT
7 mars - 6 avril 2024 • Du mardi au vendredi, 19h30 - Samedi, 18h30 • Dimanche, 15h30 • Durée 1h20 • À partir de 16 ans
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