Il y a des pièces qui traversent le temps sans jamais perdre leur éclat, et La Vérité de Florian Zeller en fait incontestablement partie. Créée en 2011 au Théâtre Montparnasse avant d’être jouée dans plus d’une trentaine de pays, cette comédie jubilatoire revient sur les planches du Théâtre Édouard VII avec une distribution éclatante : Sylvie Testud, Stéphane De Groodt, Clotilde Courau et Stéphane Facco, sous la direction précise de Ladislas Chollat.
Un Vaudeville Contemporain, diaboliquement efficace
Avec La Vérité, Florian Zeller signe une comédie de boulevard qui joue à cache-cache avec le spectateur. Ici, le mensonge est un art de vivre, un fil ténu entre trahison et légèreté. Vincent, interprété avec une énergie débordante par Stéphane De Groodt, est un menteur invétéré qui jongle entre sa femme Sophie (Clotilde Courau) et sa maîtresse Alice (Sylvie Testud), elle-même mariée à son meilleur ami Paul (Stéphane Facco). Mais dans ce petit monde où tout le monde trompe tout le monde, qui détient réellement la vérité ?
Zeller s’amuse à brouiller les pistes et à faire vaciller les certitudes. À travers un jeu de quiproquos et de faux-semblants, il compose une partition rythmée où la morale est aussi floue que la réalité. L’intrigue, bien que classique dans son dispositif (adultère, cachotteries, aveux feints), brille par sa finesse d’écriture et sa capacité à se renouveler. La mécanique du vaudeville est ici transcendée par un texte vif, piquant et redoutablement habile.
Un quatuor de haut vol
Si la force de La Vérité réside dans son écriture acérée, elle doit également beaucoup à son casting. Stéphane De Groodt incarne à merveille cet antihéros arrogant, manipulateur, d’une mauvaise foi notoire, mais terriblement attachant. Son sens du rythme et son talent pour l’ironie font des merveilles. Face à lui, Sylvie Testud excelle dans un rôle de femme à la fois blessée et impénétrable, maniant avec brio les silences lourds de sous-entendus. Clotilde Courau apporte une touche de sensualité et d’ambiguïté, tandis que Stéphane Facco, dans le rôle du mari trahi, fait preuve d’une justesse remarquable.
La mise en scène de Ladislas Chollat est fluide et efficace, laissant place au texte et au jeu des comédiens sans jamais alourdir l’ensemble. Il parvient à insuffler un dynamisme constant, en jouant avec les entrées et sorties de scène, les silences pesants et les répliques qui fusent avec une précision chirurgicale.
Un jeu de dupes réjouissant
Derrière le rire, La Vérité interroge subtilement notre rapport au mensonge. Florian Zeller ne se contente pas de faire rire, il dissèque avec malice les faux-semblants qui régissent nos relations humaines. Où se situe la vérité lorsque chacun façonne sa propre version des faits ? Le mensonge est-il un mal nécessaire ? À travers des dialogues ciselés et un enchaînement de rebondissements savamment orchestrés, la pièce nous invite à une réflexion légère mais pertinente sur l’hypocrisie sociale et la subjectivité des vérités individuelles.
La Vérité est un pur régal de théâtre, une comédie élégante et mordante qui jongle avec le mensonge et la sincérité avec une aisance déconcertante. Entre éclats de rire et soupçons de malaise, elle nous prend dans son piège avec une intelligence redoutable. Servie par une jolie troupe et une mise en scène dynamique, cette pièce est un très bon moment de la saison théâtrale. Avis de Foudart 🅵🅵
LA VERITÉ
Une pièce de Florian Zeller Mise en scène Ladislas Chollat Avec Stéphane De Groodt, Sylvie Testud, Clotilde Courau, Stéphane Facco Assistant à la mise en scène Éric Supply Décors William Mordos Lumière Dimitri Vassiliu Costumes Jean-Daniel Vuillermoz
THÉÂTRE EDOUARD 7
À partir du 23 janvier 2025 • Du mardi au samedi à 21h00 • Le samedi à 16h30 • Le dimanche à 16h00
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