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Photo du rédacteurBonfils Frédéric

Interview de Jeanne Vicerial

Dernière mise à jour : 10 janv. 2022

«J’ai décidé d’étudier ce qui se passait sous notre peau. »

Les Magasins Généraux invite Jeanne Vicerial pour leur nouvelle exposition résidence, CLINIQUE VESTIMENTAIRE. Une belle occasion de partir à la rencontre de cette artiste - chercheuse multi diplômée à l’univers aussi étrange que merveilleux.


Portrait de Jeanne Vicerial aux Grandes-Serres de Pantin, 2021 Photo © Joseph Schiano Di Lombo © Jeanne Vicerial

INTERVIEW JEANNE VICERIAL

« J’assume les parts de hasard et d’intuition et j’ai besoin d’expérimenter pour comprendre et de recul pour théoriser mon travail. » Jeanne Vicerial


FRÉDÉRIC BONFILS - Bonjour Jeanne Vicérial

JEANNE VICERIAL - Bonjour


Je suis ici, aux Magasins Généraux pour découvrir une exposition un peu particulière qui s'appelle Clinique vestimentaire. En six ans, à tout juste 30 ans, vous avez fait déjà des tonnes de choses. Je crois que vous avez même déposé des brevets ?

Je suis plutôt artisan à l’origine. J'ai fait une formation de costumes sur-mesure, puis les Arts Déco en design du vêtements et une thèse de doctorat SACRre - arts, sciences, création, recherche - qui est une thèse où on valide nos expérimentations et nos hypothèses par la pratique.

La publication scientifique est une des expérimentations qui donne lieu à un brevet d'invention. Donc, c’été important pour moi de le valider de cette façon-là.

D'après ce que j'ai compris, vous avez créé une machine qui peut tisser avec un seul fil des trames qui correspondent à la fibre musculaire humaine ?

Je m'inspire par biomimétie, aux orientations de la fibre musculaire que je copie à l'aide d'un monofilament, un fil qui, à l'époque était récupéré des industries textiles. J’ai tisser, pendant un an, des muscles d'après des patrons tirés de livres d'anatomie que je pouvais trouver. Sauf que cette technique était très longue à effectuer à la main. J’ai donc, durant ma thèse, développé, en partenariat avec le labo de mécatronique de l'école des Mines, une machine me permettant de réaliser ces échantillons beaucoup plus rapidement.


Toute la problématique était d'essayer de réintroduire le sur-mesure à échelle semi-industrielle. C'était un peu l'idée du développement de ces machines et de cette technique de tricotissage.


Sans reprendre totalement la musculature, j'ai la sensation, en voyant ces pièces, qu'il y a quand même un espèce de filament, de fibre musculaire qui apparaît.

Oui, tout à fait, je dessine en trois dimensions des muscles avec du fil.


Vous êtes artiste et chercheuse. Je trouve ça fabuleux et je comprends ce que ça signifie et en même temps, c'est peut-être un peu antinomique. Non ?

Je suis artisan et la recherche me permet d’explorer de nouveaux territoires.

Par exemple, si je veux faire de la sculpture vestimentaire, je vais plutôt avoir un travail de plasticienne. Quand je développe des échantillons avec la table de tricotissage, je suis plus dans le design industriel.

« Clinique vestimentaire, est un lieu immatériel de recherche et de création qui me permet de faire un peu ce que je souhaite et de dépasser les frontières des disciplines. »


Il y a une part de sciences et une part de rêve. Comment fonctionnez-vous ? Est-ce que vous commencez par chercher puis créer ou bien ce sont vos rêves qui vous donnent envie d’effectuer des recherches ?

Je dirais que c'est un peu les deux. J’assume les parts de hasard et d’intuition et j’ai besoin d’expérimenter pour comprendre et de recul pour théoriser mon travail.

C'est vraiment en faisant, en expérimentant des choses que je m’oriente vers la théorie et le questionnement.


J'aime beaucoup le titre de cette exposition Clinique vestimentaire, ça veut tout dire en fait

Clinique vestimentaire, c'était vraiment pour moi un endroit qui me permettait de penser le vêtement en sachant que l'industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde. C’était aussi envisager un espace où on pouvait librement proposer d'autres systèmes. Et puis j'avais lu le manifeste de Lidewii Edelkoort, qui s'appelle Anti_Fashion et qui disait que l'industrie de la mode était tombée malade. C'était aussi un petit clin d'œil à ça.


« C'était vraiment l'idée de pouvoir montrer mes recherches, mais de façon tangible et physique dans un espace d'exposition et de venir, avec mon atelier, rencontrer le public. »


C'est une exposition qui propose aussi beaucoup d'événements

Oui, tout à fait. Il y avait vraiment cette idée de rassembler, que ce soit dans ma communauté de recherche des doctorants, des prédoctorants, des docteurs et de discuter ensemble autour de ces questions-là.


j'ai travaillé avec des sculpteurs, des professeurs de mécatronique, des étudiants en BTS. L'idée, était d'organiser des événements autour de ça et des événements performatifs. J'ai fait une performance le soir du vernissage avec une chercheuse de l'IRCAM, Nadine Schütz, plasticienne sonore qui a proposé, un peu comme une chef d'orchestre dans l'atelier, une façon de sonoriser tous nos mouvements.


Pour la fin de l'exposition, il y aura une performance de Variéras et Joseph Schiano Di Lombo. On va faire un concert à partir des robots qui sont dans l'exposition et des synthé modulaires.


On peut voir des vêtements dans votre exposition. On peut voir aussi des sculptures, des photographies. En fait, c'est l'art dans son ensemble

En tout cas, ce que j'ai souhaité ici, c'était essayer de montrer une pratique...Un lien entre les différentes pratiques ?


J'ai réalisé que je pouvais parler du corps et du vêtement de plein de façons et que les pièces de prototypes de recherches pouvaient être aussi des sculptures. C'est à partir de ce moment-là que j'ai parlé de sculpture vestimentaire et que j'ai continué de travailler comme si je dessinais en trois dimensions avec cinq typologies de fils.

J'ai des fils aussi fins qu'un cheveu et des drisses qui sont plutôt utilisées dans le milieu du bateau.


Est-ce que vous pourriez imaginer que vos pièces soient portées dans la rue un jour ?

Avec la création des textiles qu'on fabrique avec la table de tricotissage, je pense que c'est envisageable. Pour ma part, je m'éloigne de plus en plus du milieu de la mode même si ça reste une source de réflexion.


Je vous remercie Merci à vous.

« Je dessine en trois dimensions des muscles avec du fil. »

Photo © Frédéric BONFILS - FOUDART
GARDIENNE, 2020 Pièce réalisée en cordes et fils entièrement à la main, 1000h de travail Vue de l’exposition annuelle des pensionnaires de l’Académie de France à Rome “Dans le tourbillon du tout- monde”, commissariat de Lorenzo Romito, Villa Médicis, Rome, juillet-septembre 2020 Photo © Daniele Malajoli © Jeanne Vicerial
 

CLINIQUE VESTIMENTAIRE

Exposition-résidence de Jeanne Vicerial


MAGASINS GÉNÉRAUX

1 rue de l’Ancien Canal

93500 Pantin − Grand Paris


Du 16 octobre au 14 novembre 2021 Du mercredi au dimanche de 14h à 20h

Entrée libre


Présence de l’artiste et de son équipe dans l’espace atelier

Ateliers de création avec l’artiste les mercredis après-midi




ARMORS : SCULPTURES VESTIMENTAIRES, 2019 Bouclier : fil, cordes et résine Vue de l’exposition de soutenance de thèse de Jeanne Vicerial, Paris, 2019 Photo © Mathieu Faluomi © Jeanne Vicerial
ARMORS : SCULPTURES VESTIMENTAIRES, 2020 Robe bouclier : fil, cordes et résine Photo © Louise Quignon © Collection Yvon Lambert en Avignon © Jeanne Vicerial
Photo © Frédéric BONFILS - FOUDART

Photo © Frédéric BONFILS - FOUDART

Vue de l’exposition-résidence de Jeanne Vicerial : « Clinique vestimentaire », 16 octobre - 14 novembre 2021, Magasins généraux, Pantin. Photo. Mathieu Faluomi − © Magasins généraux
 


À PROPOS DES MAGASINS GÉNÉRAUX

Les Magasins généraux sont un centre de création fondé par l’agence de communication BETC en 2017. Nés dans un bâtiment industriel des années trente au bord du canal de l’Ourcq à Pantin, ils participent activement à l’énergie et à l’émergence du Grand Paris.

Les Magasins généraux développent toute l’année une programmation artistique et culturelle originale, sans limite de forme – expositions, festivals, conférences, résidences, ateliers, performances, concerts, fêtes, projets d’édition – avec des artistes et des créateurs de tous horizons : plasticiens, photographes,

vidéastes, architectes, designers, musiciens, danseurs, chefs cuisiniers, écrivains, penseurs…


Une même ambition anime la programmation des Magasins généraux :


  • Adresser les sujets qui agitent la société

  • Encourager les porosités entre les différents champs artistiques

  • Soutenir la création émergente française et internationale

  • Favoriser la mixité des publics grâce à un fort ancrage local

  • S’adresser à l’audience la plus large possible pour penser ensemble le monde à venir.



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