Certains spectacles vous happent dès les premières secondes et vous laissent sans voix bien après que les lumières se rallument. Faire semblant d’être moi, de et avec Luce Mouchel, fait partie de ces instants suspendus. Un seule-en-scène bouleversant, tendre et drôle, où l’actrice se livre avec une sincérité absolue.
Une plongée dans l’enfance, entre éclats de rire et fêlures du passé
Tout commence par une phrase qui claque :
« J’aurais pu ne jamais exister, être tout le temps morte. »
Dès cet instant, on comprend que le voyage sera aussi lumineux que poignant. Luce Mouchel nous fait revivre ses souvenirs d’enfance et d’adolescence, de ses 5 ans à ses 18 ans, à travers le regard d’une petite fille qui tente de comprendre le monde qui l’entoure.
Petit à petit, Lulu grandit sous nos yeux
Elle change, se cherche, se confronte à la vie, oscillant entre rires et douleurs familiales. Chaque souvenir est un fragment d’identité en devenir, une pièce d’un puzzle émotionnel qu’elle tente d’assembler.
Et puis un jour, le théâtre surgit dans sa vie. Comme une évidence, une révélation. Un refuge et un espace de liberté où elle peut tout être et tout ressentir.
Un texte ciselé, percutant et infiniment juste
Avec une écriture ciselée et empreinte de poésie, Luce Mouchel nous embarque dans sa quête d’identité, entre les silences d’une mère marquée par un deuil, les maladresses d’un père monolithique et les éclats de rire d’une fratrie haute en couleur.
Chaque souvenir devient une fenêtre ouverte sur des instants de vie universels, où chacun peut retrouver un écho de son propre passé.
La plume est vive, tour à tour drôle et poignante, mais toujours d’une justesse bouleversante. Faire semblant d’être moi capte ces petits riens qui font basculer une vie, ces sensations fugitives qui construisent l’enfance et résonnent encore à l’âge adulte.
Luce Mouchel, un talent hors du commun
Si Faire semblant d’être moi marque autant, c’est avant tout grâce à l’interprétation magistrale de Luce Mouchel. Ce n’est pas seulement un jeu d’actrice, mais une véritable performance, où elle incarne avec une aisance fascinante chaque personnage qui a traversé sa vie.
En un regard, une posture, une intonation, elle devient une fillette espiègle, une adolescente en quête de repères, une mère dépassée ou un père protecteur.
Elle ne joue pas, elle est. On est littéralement aspiré dans son histoire, comme si elle nous prenait par la main pour nous faire revivre avec elle ces moments fondateurs.
Son talent est polymorphe : tour à tour clown, danseuse, musicienne et tragédienne, elle passe du rire aux larmes avec une fluidité impressionnante. Elle nous fait éclater de rire en évoquant son premier baiser catastrophique, puis nous serre le cœur en abordant les fêlures familiales et la schizophrénie de son frère.
Une mise en scène sobre et inventive
Ici, pas d’artifices. Xavier Maurel met en scène l’essentiel : l’actrice et son récit. Quatre chaises, un ballon, et voilà que la scène devient une chambre d’enfant, une maison, un grenier... La simplicité du décor laisse toute la place à l’imaginaire, au mouvement, à l’émotion pure.
Une poésie visuelle indéniable accompagne cette mise en espace. Rien n’est figé, tout bouge, évolue, respire, comme une mémoire qui se reconstruit au fil du récit.
La scène devient un espace mental, où passé et présent coexistent, où l’enfance et l’âge adulte se superposent.
Un moment de théâtre inoubliable
Faire semblant d’être moi est bien plus qu’un spectacle : c’est une expérience, une rencontre avec une artiste d’exception, une plongée dans l’intime qui touche à l’universel. On rit, on pleure, on est émerveillé par tant de maîtrise et de sincérité. Luce Mouchel nous offre ici un moment de théâtre rare, où l’intelligence du texte se mêle à la puissance du jeu et à la finesse de la mise en scène.
Un coup de cœur absolu. Une pièce à voir, à vivre, à ressentir. Comme un doux vertige, un retour à l’enfance, un instant suspendu dont on ne voudrait jamais sortir. Avis Foudart 🅵🅵🅵🅵
FAIRE SEMBLANT D'ÊTRE MOI
De et avec Luce Mouchel
Mise en scène Xavier Maurel
Création vidéo Véronique Caye • Chorégraphie Caroline Marcadé • Collaboration artistique Pierre-Alain Chapuis • Lumières Tom Bouchardon
Crédit photo Alexander Kashkaev
THÉÂTRE LA FLÈCHE
Du 11 janvier au 15 mars 2025. Les samedis à 19h • Durée 1h15
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