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Photo du rédacteurBonfils Frédéric

Dorothy

Avis de Foudart 🅵🅵🅵🅵

Pendant une heure, un homme essaye de suivre le protocole sans lequel son projet ne verra pas le jour : faire un enfant par fécondation in vitro.

Marc Arnaud, avec beaucoup de poésie, nous parle d’un des plus grands tabous masculin et fait de cette situation plus que triviale, le pays fantastique de son imagination.

« Attention, deux Martini pas plus, au troisième je suis sous la table, au quatrième je suis sous le maître de maison ! » Dorothy PARKER.

C’est l’histoire d’une femme libre, Dorothy Parker, au temps de la prohibition

C’était il y a longtemps. C’est maintenant.

L’histoire d’une résistante, d’une autrice, romancière, critique de théâtre, scénariste, grande plume du fameux New Yorker qui doute, boit, se débat et s’ennuie à mourir.

Elle est poétique et dramatique

Jusque dans son ultime instant, et même après : la dépose de ses cendres le 22 aout 2020 dans un cimetière New yorkais. Et de là vient le rire, et de là viennent les larmes.

Zabou Breitman fait revivre cette femme hors du commun en s’appuyant sur des dizaines d’anecdotes vraies et cinq de ses nouvelles.


Le dispositif scénique évolue sans cesse pendant le spectacle qui débute plateau quasiment vide, peuplé de quelques projecteurs.

Sur le côté, deux consoles "lumière" que manie avec plaisir, Zabou. Elle danse, chante, change de tenu à la vitesse de la lumière et s’amuse comme une folle.


J’entre en lisant aux spectateurs, un extrait de l’article du New Yorker qui raconte l’improbable voyage des cendres de Dorothy Parker en septembre 2020. Puis j’apporte une banquette d’époque, en racontant ce que dit l’article mais en ayant lâché le magazine. J’apporte un paravent. Une table. Je baisse la lumière de la salle avec la console lumière : en direct. Je baisse la lumière sur la scène, rends plus intime le lieu à l’aide des projecteurs que je déplace, que j’oriente. La lumière se fabrique devant les spectateurs. Le spectacle naît. Zabou Breitman

Dorothy est un spectacle fluide, léger, joyeux et particulièrement émouvant. Un spectacle qui fait du bien et nous dévoile un personnage hors du commun et particulièrement lumineux.


Un spectacle à voir absolument.

 

DOROTHY

Mise en scène Zabou Breitman

Regard extérieur Antonin Chalon

Création lumière Stéphanie Daniel

Création son Yoann Blanchard

Costumes Zabou Breitman et Bruno Fatalot Accessoires Amina Rezig

Assistante à la Mise en scène Laura Monfort Chorégraphe Emma Kate Nelson

Régisseur Général Eric Maurin

Crédit Philippe Quaisse


Théâtre de la Porte Saint Martin


Du 11 septembre au 24 octobre 2021

Durée 1h15


affiche Dorothy

portrait tabou breitman

 

EN SAVOIR PLUS…

DOROTHY PARKER (22 août 1893 - 7 juin 1967) est une poétesse et scénariste américaine, connue pour son humour caustique, ses mots d'esprit et le regard acéré qu'elle porta sur la société urbaine du XXe siècle.

Surnommée « The Wit » (la futée) et connue également sous le nom de Dottie,

Parker est née Dorothy Rothschild dans le West

End district de Long Branch, New Jersey, où ses parents avaient une résidence estivale.


Elle aimait à dire que ses parents l'avaient ramenée dans leur appartement de Manhattan peu de temps après un jour de fête du travail

afin qu'elle puisse être considérée comme une véritable new-yorkaise. Ses amis la voyaient

à la fois comme une source d'amusement et de tragédie. (Elle tenta de se suicider au moins

à trois reprises).

Après une enfance difficile (elle perd sa mère à six ans), elle quitte la maison familiale.

Pour subvenir à ses besoins Dorothy devient pianiste pour une école de danse à Manhattan. Elle continue à solliciter divers journaux et magazines pour publier ses poèmes. En 1916, Frank Crowninshield, ami de Condé Nast, patron des Condé Nast Publications qui possède les magazines Vogue et Vanity Fair, non seulement achète des poèmes de Dorothy mais lui offre un emploi au sein de Vogue pour un salaire de 10 $ par semaine. Revenu qui permettait de payer son loyer de 8 $ par semaine, mais pour couvrir ses autres dépenses de produits d'entretien et d'habits, elle doit continuer à tenir son emploi de pianiste. Très rapidement Dorothy se fait la réputation d'une femme à la plume qui frappe juste, et qui sait faire des choix littéraires, sélectionner parmi les livres reçus par Vogue, ceux qui ont un intérêt littéraire. Dorothy est aussi fascinée par le monde de la mode exposé par Vogue, elle soigne son élégance et comme elle le dira plus tard au sujet de cette période « j'étais juste une petite jeune femme juive coquette cherchant à être plaisante ». La qualité de ses critiques est telle que dès la fin de l'année 1916, Edna Woolman Chase, la rédactrice en chef de Vogue rencontre Frank Crowninshield pour qu'il lui propose un emploi à Vanity Fair dont la ligne éditoriale est plus adaptée à son style et le valorisera, ce qu'il fait et Dorothy accepte le poste avec joie. Vanity Fair avait déjà une solide réputation dans les milieux culturels, il avait présenté à ses lecteurs les artistes de l'avant garde de l'époque tels que Picasso, Matisse, Marie Laurencin, Raoul Dufy, Gertrude Stein, E. E. Cummings, D.H. Lawrence, T.S. Eliot, Arnold Bennett, H.G. Wells et c'est le premier

magazine américain à reconnaître les artistes afro-américains.

Vanity Fair avait la réputation d'être « l'arbitre des élégances » auprès de l'Amérique. Pour la jeune Dorothy, entrer dans la rédaction de ce magazine, c'était devenir membre de l'élite intellectuelle. Dorothy continue son travail de critique littéraire et publie également des poèmes, des nouvelles dans les colonnes du journal qui emporte l'adhésion des lecteurs. Frank Crowninshield note les traits de style qui font l'originalité de l'écriture de Dorothy devenue Parker de puis son mariage en juin 1917 avec Edwin Pond Parker II, à savoir un modèle du style satirique allié à une vivacité intellectuelle remarquable. En 1919, elle utilise sa réputation pour lancer un appel aux femmes américaines pour demander le rappel au plus vite des soldats, qui comme son mari sont toujours éloignés de leur foyer parce que cantonnés en Allemagne avec les forces d'occupations alliées. Pendant qu'Edwin Parker est éloigné, Dorothy, accompagnée de Frank Crowninshield, est régulièrement invitée au domicile de Condé Nast qui teste sa nouvelle rédactrice. Cette année 1919 est aussi la rencontre de Dorothy avec Robert Benchley et de Robert Sherwood qui viennent d'entrer dans l'équipe de rédaction de Vanity Fair. C'est le début d'une collaboration qui va changer sa vie.

Les trois amis, Dorothy Parker, Robert Benchley et Robert Sherwood prennent l'habitude de prendre leur petit déjeuner au restaurant de l'hôtel Algonquin (New York) situé sur la cinquième avenue qui avait eu pour clients des personnalités illustres du cinéma muet comme Douglas Fairbanks, Laurette Taylor, Booth Tarkington, Elsie Janis, Jane Cowl, etc. Avec le temps l'hôtel devient un lieu de rendez-vous entre divers écrivains et artistes newyorkais qui se réunissaient autour d'une table ronde, cette dernière donnera le nom de ces rencontres, l'Algonquin Round Table. Le trio Dorothy et les deux Robert sont invités à participer aux réunions de l'Algonquin Round Table où sont présents Irving Berlin, George S. Kaufman, Edna Ferber, Marc Connelly, Harold Ross, Jasha Heifetz, Alexander Woollcott, Alice Duer Miller, Harpo Marx, Moss Hart, Tallulah Bankhead, Noel Coward, Heywood Broun (en), etc., les acteurs, librettistes, compositeurs de comédies musicales. Le groupe de l'Algonquin Round Table devient un groupe connu pour représenter l'avant- garde culturelle aussi bien dans le cinéma, le théâtre, que par les articles de ses membres dans les journaux et magazines y rencontraient également des journalistes et des agents artistiques. En janvier 1920, Florenz Ziegfield et son épouse Bille Burke viennent indignés voir Frank Crowninshield ; ils n'ont pas apprécié les recensions de Dorothy Parker qui a éreinté trois de leurs comédies musicales montées sur la scène de Broadway. Il était difficile pour Vanity Fair de prendre la défense de Dorothy face au plus grand producteur de Broadway et les excuses de Dorothy n'auraient probablement pas suffi à calmer les colères des Ziegfield. Dorothy est licenciée ! Robert Benchley et Robert Sherwood vont prendre la défense de leur amie auprès de Frank Crowninshield, en vain et par solidarité ils démissionnent.

Dorothy Parker décède des suites d'une crise cardiaque dans sa suite au Volney Hotel de Manhattan avec son chien Troy, c'est la femme de chambre qui découvre sa dépouille, elle avait soixante-treize ans.

Après ses funérailles où Lillian Hellman et Zero Mostel ont prononcé son éloge funèbre, Dorothy Parker est incinérée au crématoire du Ferncliff Cemetery, dans le comté de Westchester. Son notaire, ne sachant quoi faire de l'urne funéraire, la garde chez lui dans un tiroir de son étude jusqu'à ce que Benjamin Hooks (directeur de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP)) lui propose de recueillir l'urne au siège de la NAACP.


En octobre 1988, l'urne funéraire de Dorothy Parker est déposée au siège de la NAACP à Baltimore (Maryland) dans un endroit spécialement aménagé le Dorothy Parker Memorial Gardens. Au cours du temps, le mémorial a été oublié et est tombé en friche, c'est un guide touristique, l'historien Kevin C. Fitzpatrick qui le découvre en 2006 ; constatant l'état de délabrement, il fonde la Dorothy Parker Society dévouée à la mémoire de l'œuvre de Dorothy Parker et qui récolte des fonds pour l'entretien du mémorial. Craignant un déménagement du siège de NAACP, Kevin C. Fitzpatrick contacte la famille de Dorothy Parker, ces derniers avec la collaboration de la NAACP déposent ses cendres au Cimetière de Woodlawn dans le Bronx, en 2020.

Elle a laissé une oeuvre magistrale dans laquelle les faux pas prennent souvent l'allure d'une comédie désopilante : citons La Vie à deux, Comme une valse, Mauvaise Journée, Hymnes à la haine. L'œuvre de Dorothy Parker, recueils de textes critiques ou de nouvelles, est essentiellement disponible en poche chez 10-18, Christian Bourgois (Mauvaise journée, demain, Articles et critiques) et Phébus (Hymnes à la haine).

Pour Hollywood, elle écrivit, souvent en collaboration, les scénarii d’Une étoile est née

(1937), de La Vipère de William Wyler (1941), Cinquième Colonne d'Alfred Hitchcock

(1942), d’Une vie perdue (1947) et de L'Éventail de Lady Windermere d'Otto Preminge (adaptation de L'Éventail de Lady Windermere d'Oscar Wilde, 1949).


Dans les années 1950, elle fut une des victimes du maccarthisme pour son activisme et inscrite sur liste noire.

Très engagée politiquement, Dorothy Parker compte parmi les défenseurs de Sacco et Vanzetti ; elle était en effet liée plus ou moins directement à la mouvance communiste, ayant entre autres aidé à fonder la Hollywood Anti-Nazi League en 1936.

Lillian Hellman, l'exécutrice testamentaire de Dorothy Parker, conformément à ses volontés, a légué ses biens à Martin Luther King puis à la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) après l'assassinat de ce dernier au Lorraine Motel, à Memphis (Tennessee), comme cela était stipulé dans le testament de Dorothy Parker.

La NAACP continue à toucher les droits d'auteur sur les œuvres de Dorothy Parker.


« Dans un restaurant à Atlanta, quelqu’un s’approche de Martin Luther King qui est en train de déjeuner avec des collègues activistes, lui tape sur l’épaule et lui dit “Martin... - enfin je ne sais pas s’il le connaît aussi bien que ça– Monsieur Martin Luther King vous venez d’hériter de Dorothy Parker”.


“Who? What?”

Martin Luther King ne sait pas du tout qui c’est, mais il voit cet argent comme un don du ciel, il se tourne vers ses amis et leur dit “Je vous l’avais bien dit, Dieu pourvoira”.

En l'occurrence Dieu avait quand même ’apparence de Dorothy Parker. »


Philippe Quaisse

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