Dans Dicklove, Sandrine Juglair nous emmène au cœur d’une réflexion troublante et fascinante sur les notions de genre et d’identité.
Le spectacle commence de manière intime, avec une anecdote d’enfance racontée par l’artiste au milieu du public, évoquant son expérience en tant que fille perçue aussi forte que les garçons. Mais rapidement, la comédienne brouille les lignes, se métamorphosant en homme par de simples gestes, une posture, une démarche. Cette transformation, tout en subtilité, invite à questionner les frontières entre masculin et féminin, à comprendre que celles-ci sont plus poreuses qu’on ne le pense.
Sandrine Juglair n’est pas seulement une acrobate ; elle est une interprète totale. Elle danse, chante, voltige, et explore son corps avec une énergie stupéfiante. Accompagnée d’un musicien en live, elle multiplie les performances, passant d’un « il » à un « elle » en un éclair, faisant du corps un terrain de jeu sans limites. Le spectacle, où se côtoient une barre de pole dance et un mât chinois, déconstruit les clichés de la virilité et de la féminité. Là où le mât chinois évoque la force brute traditionnellement masculine, la pole dance rappelle la sensualité exagérée souvent associée au féminin. Juglair détourne ces représentations et joue avec, nous montrant que ces attributs corporels et symboliques ne sont que des constructions sociales.
Une Fête Vivante et Joyeuse
Il ne s’agit pas ici de présenter un manifeste idéologique, mais d’offrir une expérience visuelle et émotionnelle qui nous invite à remettre en question nos propres idées préconçues sur le genre. Juglair explore l’absurdité des normes sexuelles, et avec humour et finesse, elle montre à quel point ces carcans peuvent être restrictifs.
Une Performance Technique et Politique
D’un point de vue technique, Dicklove est un exploit. Juglair manipule les agrès avec une maîtrise impressionnante. Ses acrobaties sont saisissantes et forcent l’admiration. La scénographie, centrée autour de cette barre verticale, devient un symbole des questions identitaires : masculin ou féminin ? Les deux à la fois ? Ni l’un ni l’autre ? L’androgynie de Juglair, son aisance à passer d’un rôle à l’autre avec un naturel déconcertant, sont autant d’éléments qui perturbent et fascinent.
Cependant, si le travail scénique est irréprochable, on peut s’interroger sur la portée narrative du spectacle. En effet, le questionnement sur le genre, bien que puissant, s’appuie parfois sur des clichés qui peuvent sembler un peu dépassés. La multiplicité des transformations et des symboles risque de surcharger le propos et d’éloigner de la profondeur du sujet, qui mérite d’être réinterrogé avec de nouveaux angles.
Un Clown au Service de l’Ambivalence
La démarche de Juglair rappelle également l’art du clown, un genre qui aime briser les conventions et repousser les limites. Ici, l’inspiration du cabaret, avec ses jeux sur le grotesque et le transgressif, est évidente. La performeuse nous rappelle que la métamorphose d’une femme en homme reste plus troublante que l’inverse, alors que les hommes déguisés en femmes sont plus couramment acceptés dans la culture populaire. À travers ce processus, Juglair fait écho à la figure du Drag Queen et du Drag King, jouant avec les codes et exagérant les traits genrés pour mieux en révéler l’absurdité.
Une Liberté Joyeuse
Dicklove est une invitation à la liberté. Celle de jouer avec les normes, de ne plus se laisser enfermer dans des catégories rigides, et de savourer le plaisir d’être soi. Sandrine Juglair nous offre un spectacle à la fois intime et universel, où l’indéfinissable devient source de création et d’épanouissement. Si le spectacle peut paraître par moments un peu répétitif dans ses symboles, il reste néanmoins une performance unique qui repousse les limites du genre et des représentations, offrant à chacun une voie vers plus de liberté.
En quittant la salle, une question persiste : Et si le genre n’était finalement qu’un jeu ? Juglair ne nous donne pas de réponse définitive, mais elle nous offre une chose précieuse : la possibilité de se laisser troubler, de questionner, et de s’amuser avec nos propres identités. Avis Foudart 🅵🅵
DICKLOVE
Un spectacle de Juglair
Création et interprétation sonore Lucas Barbier • Regards extérieurs et dramaturgiques Claire Dosso et Aurélie Ruby • Création lumière Julie Méreau • Costumes Léa Gadbois-Lamer
Crédit photo © Fabien Buring
THÉÂTRE SILVIA MONFORT
Jusqu’au 12 octobre 2024 • du mercredi au vendredi à 20h. le samedi à 18h • DURÉE 1h
EN TOURNÉE
↘️ 25.03 → 27.03.2025
Sur Mars, Festival Guerrières, Mons (BE)
↘ 07.11 → 08.11.2024
Scène Nationale, Orléans
↘ 23.04 → 26.04.2025
Le Grand R, Scène Nationale,
La-Roche-sur-Yon (85)
↘ 15.11 → 16.11.2024
Carré Magique, PNC, Lannion
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