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Photo du rédacteurBonfils Frédéric

D’autres familles que la mienne : Une traversée théâtrale lumineuse et poignante


Qu’est-ce qui fait famille ?

C’est cette question universelle, à la fois simple et vertigineuse, qu’Estelle Savasta explore dans D’autres familles que la mienne. Avec une délicatesse hors du commun, l’autrice-metteuse en scène déploie une fresque humaine mêlant gravité et espoir. Inspirée par ses rencontres avec éducateurs, familles d’accueil, enfants placés et anciens bénéficiaires de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), elle bâtit une fiction nourrie de réalités bouleversantes et d’une volonté inébranlable de célébrer la reconstruction après le désastre.


Une narration entrecroisée, un puzzle d’histoires

Au cœur du récit se croisent les destins de Nora, une jeune femme marquée par un parcours chaotique dans le système de protection de l’enfance, et d’Ariane, son amie lumineuse et tenace. Par leur rencontre, Nora découvre une autre définition de la famille, non pas liée au sang mais construite par des liens tissés de tendresse, de compréhension et de résilience. Leur histoire est complétée par celle de Nino, dont le parcours tragique se mêle aux leurs pour révéler la complexité et l’ambivalence des relations humaines.


Dans une succession de scènes tantôt émouvantes, tantôt légères, la pièce déploie un récit fragmenté, semblable à un puzzle. Chaque pièce s’emboîte parfaitement pour former une image d’ensemble, riche en nuances et en surprises, où chaque spectateur trouve un écho à ses propres expériences.


La joie comme un acte de résistance

Si les thèmes abordés — abandon, errance, quête d’identité — pourraient plonger la pièce dans un univers sombre, D’autres familles que la mienne choisit au contraire d’y insuffler une lumière inattendue. Estelle Savasta défend avec acharnement la joie, non pas comme une émotion facile ou superficielle, mais comme une force de survie, un « os à ne pas lâcher ». Cette joie traverse le plateau, portée par des dialogues incisifs, des monologues bouleversants et une mise en scène inventive.


Une scénographie épurée, un symbolisme puissant

Le décor, minimaliste, se compose d’un plancher de bois et d’une grande toile de fond faite de draps cousus ensemble, évoquant les fragments d’histoires unifiés pour créer un tout. Au centre, une grande table, point de ralliement de la famille, devient tour à tour un espace de repas, de discussion, de danse ou de confrontation. Cette simplicité scénique laisse toute la place aux comédiens, dont les déplacements et les gestes insufflent une intensité vibrante à chaque scène.


Les jeux de lumière, créés avec subtilité, distinguent les trajectoires de Nora et de Nino tout en liant leurs histoires dans un va-et-vient fluide. La musique originale de Ruppert Pupkin ajoute une dimension onirique et sensorielle, particulièrement lors des scènes où les mots s’effacent pour laisser place au mouvement des corps.


Des interprétations incarnées

Les acteurs livrent des performances bouleversantes. Zoé Fauconnet incarne une Nora pleine de fragilité et de force, une jeune femme en quête de repères, tandis que Clémence Boissé illumine le plateau par sa présence chaleureuse et sincère dans le rôle d’Ariane. Matéo Thiollier-Serrano, dans le rôle de Nino, déploie une sensibilité émouvante, mêlant grâce physique et intensité émotionnelle.


Autour de ce trio, une distribution chorale riche et nuancée donne vie à une galerie de personnages secondaires — éducateurs, parents d’accueil, amis — qui participent à tisser cette réflexion collective sur la famille et la transmission.


Un spectacle universel et nécessaire

D’autres familles que la mienne est bien plus qu’un spectacle sur l’Aide sociale à l’enfance. C’est une ode à la résilience, à la capacité de réinvention, à la puissance des liens choisis. Avec cette œuvre, Estelle Savasta nous invite à reconsidérer nos propres conceptions de la filiation et de l’appartenance, tout en rendant hommage à ceux qui, dans l’ombre, travaillent à « ce que ça tienne debout ».


Le spectateur ressort touché, souvent bouleversé, mais porté par un souffle d’espoir : oui, du chaos peut surgir une renaissance.


 

Un théâtre d’émotion et de réflexion

Avec cette création, Estelle Savasta confirme son talent pour raconter des histoires qui touchent profondément tout en stimulant la pensée. En s’inspirant de faits réels pour construire une fiction riche et poétique, elle démontre que le théâtre peut être un espace de vérité et d’imaginaire, un lieu où la douleur se transforme en art et où l’humain, dans toute sa complexité, est célébré.


Un spectacle à ne pas manquer, qui redéfinit ce que signifie « faire famille ». Avis Foudart 🅵🅵🅵



 


D’autres familles que la mienne

Texte Estelle Savasta en collaboration avec les acteurs

Mise en scène Estelle Savasta

Avec Clémence Boissé, Najda Bourgeois, Olivier Constant, Zoé Fauconnet, Valérie Puech, Matéo Thiollier Serrano 

Crédit © Danica Bijeljac


Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne

Du mardi 19 au mercredi 27 novembre • Du mardi au vendredi à 20h. Samedi à 18h. Dimanche à 16h • Durée 1h45



 

TOURNÉE

4 et 5 décembre - MC2 Grenoble

15 au 17 janvier - Théâtre de la Cité CDN de Toulouse Occitanie

28 au 31 janvier - Comédie de Saint Etienne

4 au 6 mars - CCAM Scène nationale de Vandoeuvre en collaboration avec le Théâtre de la Manufacture, CDN Nancy Lorraine

27 et 28 mars - Maison de la culture de Bourges scène nationale

26 et 27 mai - Théâtre + Cinéma scène nationale du Grand Narbonne

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