Arthur et Ibrahim : une amitié mise à l’épreuve des identités
- Bonfils Frédéric
- 21 janv.
- 3 min de lecture
Avec Arthur et Ibrahim, Amine Adjina livre un premier volet de trilogie jeunesse où racisme, quête identitaire et héritage historique s’entrelacent avec audace et sensibilité. Créée en 2018, cette comédie explore les forces et fragilités d’une amitié entre deux collégiens, confrontée aux discours des adultes et aux silences de l’Histoire. Une œuvre drôle et poignante, qui ne laisse personne indifférent.
Une intrigue simple pour un propos percutant
Le récit commence par un acte à la fois banal et déstabilisant : Ibrahim, influencé par les idées de son père, décide de s’éloigner d’Arthur, son meilleur ami, sous prétexte qu’il n’est pas arabe. Désorientés mais pleins de ressources, les deux garçons imaginent alors une solution aussi absurde que drôle : transformer Arthur en Arabe. Ce point de départ, à la fois naïf et désarmant, ouvre la voie à des situations cocasses où les maladresses enfantines se mêlent aux incompréhensions des adultes.
Derrière cette légèreté apparente, la pièce aborde des thèmes essentiels avec une rare finesse : les tensions identitaires, les cicatrices laissées par la colonisation, et le poids des héritages familiaux. Sans jamais perdre de vue l’accessibilité pour un jeune public, Arthur et Ibrahim parvient à traiter ces sujets complexes avec humour, émotion et une profonde humanité.
Une écriture juste et engagée
Amine Adjina s’inspire de son expérience personnelle pour offrir un texte d’une authenticité saisissante. Français d’origine algérienne, il fait dialoguer cultures et identités avec une plume à la fois incisive et poétique. Loin de tout manichéisme, les personnages sont riches et nuancés : Ibrahim, tiraillé entre l’amour pour son père et son amitié pour Arthur, et ce dernier, en quête d’un sentiment d’appartenance qu’il ne maîtrise pas encore.
Le rire est ici un outil puissant, un vecteur d’émancipation qui désamorce les peurs et invite à la réflexion. Sans jamais tomber dans le piège de la moralisation, Adjina propose une œuvre qui ouvre des espaces de dialogue et de compréhension, pour les jeunes comme pour les adultes.
Une mise en scène ludique et inventive
Sur scène, un décor minimaliste – des coussins empilés, une carte géographique – devient un terrain de jeu propice à l’imaginaire. Les mouvements dynamiques des comédiens, qui se déplacent en trottinette ou sur une rampe de skate, insufflent une énergie contagieuse, en parfaite adéquation avec la fraîcheur de l’enfance.
Les acteurs, Mathias Bentahar et Romain Dutheil, incarnent Arthur et Ibrahim avec une complicité palpable, rendant leurs dilemmes identitaires d’autant plus poignants. Les personnages secondaires, comme la mère d’Arthur et le père d’Ibrahim, apportent une profondeur supplémentaire, illustrant les contradictions des adultes face aux rêves et aux espoirs des enfants.
Un message universel et essentiel
Bien plus qu’une pièce pour la jeunesse, Arthur et Ibrahim est une ode à l’amitié comme rempart contre les clivages et les préjugés. En posant un regard tendre et lucide sur les héritages aliénants, Adjina invite à construire des ponts là où l’Histoire a érigé des murs.
À travers le rire, la tendresse et une profonde intelligence, cette pièce nous interroge sur l’identité, l’altérité et la transmission. Une œuvre lumineuse et nécessaire, à partager sans hésitation. Avis Foudart 🅵🅵🅵
ARTHUR ET IBRAHIM
Texte et mise en scène Amine Adjina
Collaboration artistique Emilie Prévosteau
Avec Mathias Bentahar, Anne Cantineau (en alternance avec Pauline Dubreuil), Romain
Dutheil (en alternance avec Antoine Chicaud), Kader Kada et la voix de Xavier Fagnon
Création lumière et régie générale Azéline Cornut
Scénographie Maxime Kurvers
Création sonore Fabien Aléa Nicol
Costumes Majan Pochard
Spectacle vu au théâtre Le Tangram, scène nationale Évreux
Mardi 21 janvier 10h & 14h30
Mercredi 22 janvier 15h
Jeudi 23 janvier 10h & 14h30
Vendredi 24 janvier 10h & 14h30
Spectacle tout public à partir de 9 ans • Durée 1h10

TOURNÉE 2024/2025
6, 7, 8 FÉVRIER 2025 • Théâtre 71, SN Malakoff
18, 19, 20 FÉVRIER 2025 • Bonlieu, scène nationale, Annecy
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